J’aimerais parler de la peinture d’un tableau. Je n’ai jamais pensé que peindre un tableau ait un quelconque rapport avec l’expression libre. C’est un communication sur le monde faite à quelqu’un d’autre. Une fois que le monde est convaincu par cette communication, il change. (…) Tout l’enseignement sur l’expression de soi est erroné en art, elle (l’expression de soi) concerne la thérapie. Se connaître est valable pour soustraire le « soi » au processus. J’insiste sur cela parce qu’il existe une idée selon laquelle le processus d’expression de soi serait lui-même porteur de valeurs. Mais produire un travail artistique est une autre affaire et je parle de l’art en tant que métier.
(…) Certains artistes veulent tout dire, comme à confesse. Moi, en tant qu’artisan, je préfère en dire peu. (…) il y a plus de force à dire peu qu’à tout dire.
Quelle que soit la manière dont on peint un grand tableau, on est dedans, ce n’est pas quelque chose qu’on décide.
Mark Rothko, Écrits sur l’art 1934-1969, Flammarion, coll. Champs, Paris, 2005
Puis-je modestement ajouter que même l’expressionnisme le plus débridé peut se réclamer de ce « manifeste » dès lors qu’il s’agit d’élaborer une vision du monde adressée à autrui et non un « regard » sur son nombril ? C’est bien évidemment dans cette ligne d’idée que j’inscris ma pratique d’artiste et de pédagogue.