Dactylographie

Dans les sphaignes très grandes, les sphaignes rouges et grises, je me suis installé pour dactylographier. À l’abris des regards : c’est une activité qu’on m’a trop reproché. Elles penchent parfois la tête par-dessus mon épaule, me rapportent un mot qui voulait s’échapper, le jettent à mes pieds. Elles ont alors une hauteur à laquelle je ne m’habitue pas. Marquent de l’intérêt, me posent des questions. (Il ne faut pas répondre. Je crains un peu leur devinettes de sphinge.) Mais elles sont discrètes, nous nous entendons bien. Des oiseaux passent.

Je reste dans les ramifications, des tentacules humides autour des jambes. À l’affût, assis les bras ballants, le cul mouillé, j’attends qu’il fasse clair. Dans mon crâne, c’est l’aube et ses couleurs brouillées, l’inconfort de l’entre-deux. Les sphaignes d’alentour y ont élu séjour et semblent s’établir. (Sans me demander mon avis. C’est comme ça.) Quelques bribes s’y tapissent encore, des idées très petites,  des interrogations. Je n’ai cure de les déloger, voyez qu’elles se retournent contre moi, m’obligent à dieu sait quoi. Chaque jour un peu plus, dans mon crâne envahi, mes hôtes se déploient, s’épaississent, les mots ont étouffé. Des oiseaux passent.

Laisser un commentaire